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Le pacte d'exécution
Les Lois reconnaissent dans
la personnalité de l'auteur la source légitime de sa tutelle, qui est opposable à tous : aucun participant ne peut agir à l'encontre de l'auteur. Ce privilège personnel a une
origine civile, il prend naissance avec l'exposition par l'auteur de la version originale de son œuvre face au public. Afin de comprendre ceci, considérons l'œuvre exposée à la manière d'un contrat entre l'auteur et son public : ce contrat prévoit que toute différence d'interprétation sur son texte devra se décider conformément à la
version de l'auteur. À la lumière de la raison naturelle, nous savons qu'une telle clause est inapplicable à cause de l'altérité des langues humaines. Le contrat avec le public doit être fourni en différentes versions, comme c'est le cas lorsque les parties vivent dans des pays indépendants et ne partagent pas le même cadre juridique. Dans ces cas-là, des traductions assermentées sont apportées, juridiquement équivalentes dans les pays respectifs. Mais dans le cas d'une œuvre d'auteur, cette solution signifie aussi que l'on se retrouve dans l'impossibilité de différencier, de facto ou de jure, la
version originale de celle qui ne l'est pas. Pour éviter cette aporie légale, il faut faire appel à la parole de l'auteur, et lui reconnaître la possibilité de s'opposer au critère de toutes les parties y compris dans d'autres pays y compris dans d'autres langues. En revanche, il devient nécessaire de briser le principe de l'équité contractuelle des parties ou encore, plus précisément, de nier le droit de version. Un tel expédient, conçu pour éviter des conflits majeurs, ne parvient pas à dissimuler l'insuffisance du raisonnement sur le fond, ou l'arbitraire de la figure qui en est le résultat. L'auteur se trouve confronté à un dilemme : comment doit-il faire usage, avec justice, du privilège civil que lui ont confié les Lois ? Il peut tirer profit de sa position et, au cri de : «—
Cette œuvre est à moi !», réclamer pour soi la force de la Loi pour opposer son
jugement personnel au droit de version des individus, quel que soit leur pays, quelle que soit leur langue. Mais il peut aussi bien utiliser la prérogative civile qui est la sienne, dans le but de faire respecter et, le cas échéant, de restaurer le principe d'égalité contractuelle et le droit de version des participants.
La LGT signifiait déjà le choix de cette deuxième solution, puisque le rétablissement du droit de version implique l'égalité des participants, et annonce la possibilité d'un pacte équitable. C'est ici que la CITI intervient en donnant tout d'abord une expression à ce
pacte d'auteur, puis en invitant les participants à l'exécuter à l'avenir dans tous les pays et dans toutes les langues. L'égalité retrouvée entre participants implique pour l'auteur de renoncer à l'exercice personnel de sa tutelle, et à se présenter comme un participant parmi d'autres. Mais le renoncement n'est pas suffisant par lui-même. Il faut aussi témoigner d'un
compromis personnel, dont la force donne toute la mesure de l'empreinte de la personnalité de l'auteur sur son œuvre . C'est en vertu de ce compromis qu'un participant expose
à la fois sa version et sa personne à l'opinion des participants. L'invitation faite par la CITI aux participants pour que ceux-ci s'exposent eux-mêmes à travers leurs versions au suffrage des autres participants se révèle définitivement comme un appel à restaurer
la légitimité du démos, ou raison, en réaction à l'insuffisance et à l'épuisement des lois d'auteur.
Ce qui précède est mis en forme par la
Licence d'exécution qui ouvre la Charte. Dans cette licence, l'auteur renonce librement aux prérogatives qui sont les siennes, et choisit de subordonner tout exercice personnel de la tutelle aux principes et procédures contenues dans l'œuvre. Son renoncement laisse sans effet les privilèges civils que les lois lui accordaient vis à vis des autres participants. La version de l'auteur, le premier, et après lui celles de n'importe quel participant, doivent toutes rester
exposées à la vue de tous: non seulement parce qu'il s'agit d'un pacte auquel tous sont convoqués, mais aussi parce que sont autant de témoignages du
compromis personnel de chaque exposant avec les principes de la Charte. Par suite, le jugement des participants vient légitimer
la tutelle personnelle et unitaire de l'auteur, pour lui reconnaître une autorité qui recouvre l'ensemble de l'œuvre, et chacune des versions en particulier. La condition imposée par la licence d'exécution est la même pour tous: la réciprocité du compromis personnel, en vertu duquel tous les participants se portent mutuellement garants du pacte. Ce qui différencie un participant qui adhère personnellement à la Charte, d'un simple bénéficiaire de la Licence générale de traduction, c'est la possession du
certificat d'exécution. Ce certificat, en conformité avec les lois, accorde à son propriétaire une licence pour
exécuter l'œuvre hors d'Internet. Il s'agit, en pratique, de donner à son propriétaire un droit de vote sur les décisions associées pour l'exploitation de la Charte. Par conséquent, en dehors du compromis personnel exigé par CITI, il reste la LGT, qui suspend clairement et indéfiniment l'exploitation de l'œuvre dans tous les pays. Il convient de dire que la volonté et le compromis personnels des participants sont les conditions nécessaires pour exploiter la Charte hors d'Internet, entendue non seulement comme une œuvre de l'esprit, mais également comme un
contrat d'exécution. Une fois surmonté sur Internet le conflit d'intérêts entre la tutelle personnelle de l'auteur et le droit de version des participants, la Licence d'exécution ouvre la voie à l'exploitation de la Charte en dehors d'Internet.
Conformément à la licence d'exécution, la volonté générale des participants se substitue au critère personnel de l'auteur. Toute version de l'œuvre légitimée par suffrage, est considérée, à tous les égards,
version originale. Le nom du participant figure seul en première page, en tant que garant personnel de l'unité de l'œuvre et titulaire légitime des droits d'exploitation dans tous les pays et pour toutes les langues. Dans le vocabulaire de la Charte, le titulaire d'une version référendée reçoit le nom de
tuteur de procédure. Le fait que la tutelle ainsi reconnue soit exercée par plusieurs tuteurs ne remet pas en cause la légitimité de ces derniers : la tutelle reste unitaire, parce que l'œuvre, les principes et les procédures qu'elle contient, est la même. Elle reste personnelle, parce que les tuteurs l'exercent nécessairement selon la version et dans la langue qui sont les leurs. Toute langue pour laquelle il existe une version reconnue de la Charte se voit élevée au rang de
langue tutélaire. La force exécutoire d'une décision adoptée dans une langue tutélaire est la même pour toutes les autres langues tutélaires. La tutelle retrouve de ce fait son sens premier, à savoir : le pouvoir d'
interpréter les principes et les procédures de la Charte.
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